Beaucoup de gens étaient déjà présents car dans ces petites villes les nouvelles vont vite que même internet ne dévoilerait pas l'information aussi rapidement. Haley sentait ses jambes trembler sous l'effet de l’angoisse qu’elle ressentait et ne faisait d’augmenter au fur et à mesure de leur progression, elle redoutait ce qu’ils allaient voir, elle avait peur que ce corps soit bien celui de Jake et savait très bien comment elle réagirait : elle ne supporterait pas de perdre l'une des personnes les plus importantes de sa vie. La sensation qui traversait son corps devenait de plus en plus intense au point que ses jambes vacillèrent et elle s'accrocha au Docteur pour ne pas tomber.
- Haley... Ca va ?, lui demanda Patrick.
- J'ai... mes jambes. Je tremble, ce n'est rien juste une crise de panique.
- Vous pouvez marcher ?
- Oui, ça va aller.
Ils continuèrent à marcher et arrivèrent au ponton où se trouvait la barque contenant le corps d'un être humain. Les personnes curieuses s’écartèrent afin de laisser Haley, Chad et Patrick avancer. Ils s'arrêtèrent tous trois lorsqu'ils virent le corps. Le visage de Haley se mit à blanchir et vu le froid intérieur qu’elle ressenti, le reste de son corps devait en avoir fait autant, elle se sentait comme vidée de toute substance au point qu’elle aurait pu en devenir transparente. Elle se pencha vers le bord de l'eau et se mit à vomir. Chad s'approcha d'elle pour s'assurer que ça irait et la soutenait pour être sûr qu'elle ne titube pas.
- Tu ferais peut-être mieux de rester en retrait...
- Nan, ça ne peut pas être pire.
- Haley ce que tu viens de voir n'est qu'une partie du corps et probablement pas la pire.
- Je veux rester, cria-t-elle si fort qu'on la regarda avec étonnement.
- D'accord. Mais ne teste pas trop tes limites. Si tu sens que ça ne va pas éloigne-toi. Je ne plaisante pas, insista le Shérif.
Le médecin les attendait patiemment, il comprenait très bien la réaction de la jeune femme qui était plus que bouleversée par l'hypothèse de la mort de son meilleur ami.
Ils retournèrent auprès de la barque. Haley expira un bon coup pour se donner du courage car elle savait exactement ce qui allait se passer, ils allaient devoir identifier le corps mais surtout, découvrir la partie supérieur du corps.
Le cadavre était allongé dans la barque de sorte que son visage était la première chose qui saute aux yeux. Haley fut à nouveau prise de violentes nausées mais elle les refoula et prit son courage à deux mains. Ce n'est pas le visage qu'elle remarqua de suite mais la veste que portait le défunt et il n'y avait pas de doute il s'agissait bien de celle Jack, c’était celle qu'il avait porté à leur premier rendez-vous et qu'il mettait pratiquement toutes les fois où il ne travaillait pas. Ce détail effaça ses derniers espoirs quant à l’identité du cadavre. Mais ce qui la frappa ensuite car elle n’avait pas remarqué les réactions du Docteur et du Shérif, ce fut le visage de la victime. Le visage... Ce mot n'avait plus de signification à cette minute même. Il n'y avait plus aucune expression, plus rien n'existait sur cette partie du corps si ce n'est quelques petits morceaux de peau qui pendait laissant apparaître le peu de muscles qui lui restait. Haley se demandait ce qui était arrivé pour en arriver à ça. Par endroits, on voyait au delà des muscles, le début du crâne comme si il avant été rongé voir mutilé. Quand au reste du corps, du moins le peu qu'elle ait eu le courage de regarder, il n'en restait quasiment rien : la peau était quasi inexistante mais moins que sur le visage, la gorge était comme arrachée mais ce fut comme une illusion d'optique car aucun animal dans la région n’aurait pu faire un tel carnage. Elle se retourna essayant de quitter cette vision d'horreur mais elle savait que ceci resterait gravé en elle à jamais surtout qu’elle n’avait plus aucun espoir que ce ne fut pas le corps de son meilleur ami.
Patrick s'approchait de la dépouille afin de commencer des prélèvements pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé. Le shérif remarqua que le médecin avait l'air passablement dégoûté par ce qu'il voyait et commençait à toucher.
- Patrick, vous vous sentez bien ?
- Oui, ça va. C'est l'odeur qui me dérange je n'ai pas pour habitude de me retrouver face à un cadavre.
- Un reste de cadavre vous voulez dire ?
- Dans ce cas précis, oui.
En effet, à New York, Patrick n'avait plus eu l’occasion de travailler avec des corps morts depuis un certain moment. En temps que chirurgien, son métier consistait avant tout à opérer les gens pour les sauver ou les guérir mais jamais, même en cours de médecine, il n'avait pas eu affaire à un corps dans un tel état. Et aujourd'hui, il s'en serait bien passé mais dans les petites villes il n'y a pas d'experts criminels dans la police et comme c'est lui le médecin, il n'avait pas d'autre choix que de devoir aider les forces de l'ordre de Angel's Fist afin de mener à bien cette nouvelle enquête.
Pour le moment, la première chose qu'il avait à faire et qui était la plus importante était de déterminé l'identité du corps avec certitude car même si Haley était convaincue que c’était Jack un témoignage ne suffisait pas, il fallait des preuves, des preuves scientifiques surtout que seule la veste était encore « identifiable » et c'est la dessus qu’il aurait à travailler dans les jours à venir mais sans le matériel adéquat ce serait difficile ! Heureusement qu'il avait lors de sa commande de meubles, demandé du matériel de laboratoire car il craignait - comme ce fut le cas pour Sarah - de devoir envoyer les analyses à cinquante kilomètres d'ici, mais ce type de matériel met plus de temps à être livré, avec ce qu'il venait de se produire, ce ne serait pas du luxe qu'il arrive plus vite que prévu.
Examiner ce corps dans une salle d’autopsie impersonnelle aurait été moins dégoûtant car les moindres petits détails à la lueur du soleil ressortaient encore plus, sans compter le paysage et le « public », tout cela était pour le moins inapproprié à ce type de travail. Qui plus est, les fluides corporels étaient presque inexistants. Cela le choqua car normalement un cadavre doit sécréter en fin de vie un minimum de fluide c'est une réaction normale, le corps se laisse aller car plus rien ne fonctionne en lui, plus rien ne le régule d'où l'évacuation des fluides ou la coagulation du sang. Mais là, rien... Il n'y avait plus rien comme si le corps était desséché, cela ne sera pas facile pour l'autopsie.
Il finissait ses prélèvements et se releva quand le Shérif se positionna à ses côtés après avoir interrogé les personnes présentes.
- Vous en pensez quoi ? demanda-t-il au médecin pendant que Haley était assise un peu plus loin.
- Pour le moment pas grand-chose, je n'ai pas l'habitude de traiter ce genre de cas. Je vais téléphoner à l'entreprise à laquelle j'ai commandé mon matériel pour savoir quand exactement ils seront à ma disposition. En attendant, je peux seulement exercer une autopsie sommaire mais rien de plus.
- C'est déjà un bon début. Merci. On va effectuer le prélèvement des empreintes dentaires pour confirmer l'identité.
- Oui, mais soyez prudent car la tête ne tient pas à grand-chose. La plupart de ce qui constitue un corps humain normal est comme qui dirait dissout, pour parler vulgairement elle ne tient qu'à un fil.
- Peut-être devrions-nous alors plutôt travailler avec les empreintes digitales...
- Impossible !
- Pourquoi ?
- Tout simplement parce qu'il n'y en a plus...
- Quoi ? Comment ça ? demanda le Shérif inquiet et étonné.
- Eh bien, il n'existe plus d'empreintes digitales sur ce corps. Elles ont été... retirées.
- Vous voulez dire, que les mains du corps ont été mutilées pour lui enlever toutes empreintes digitales ?
- Oui, répondit Patrick avec une moue de dégoût.
- Mon dieu mais quel genre de monstre peut infliger cela à un être humain ?
C'est alors qu'un des employés du shérif arriva pour lui révéler les quelques informations qu'il avait réussit à récupérer en menant sa petite enquête depuis leur arrivée au lac.
- Oui Fred.
- Je suis allé chez Jack. Et rien, il n'y était pas, sa voiture non plus. J'ai regardé aux alentours aucune trace de pneus, ni quoi que ce soit.
- Et son chalet ?
- Propre, aucune trace de lutte. Le lit était fait et la douche sèche comme si...
- ... comme si il n'était pas rentré chez lui ! Merci Fred. Prends les dépositions des personnes se trouvant ici et retourne au commissariat, j'ai laissé Marie seule et elle était pas très bien. Occupez-vous de monter le dossier. Je vous rejoins dès que possible.
Fred s'éloigna, exécutant les ordres de son chef. Soudain, un bruit sourd retentit et tous les regards se dirigèrent vers le corps en décomposition.
- C’était quoi ce bruit ? demanda Haley.
- Haley, retournez vous asseoir tout de suite ! Vous en avez assez vu, lui ordonna le médecin.
- Dites moi ce que c'était !
- La... la tête s'est détaché du corps...
- Quelle horreur !!! dit-elle horrifiée.
- Comment se fait-il ? demanda le shérif.
- Pardon, c'est de ma faute, j'ai voulu prendre les empreintes dentaires mais la tête n'a pas tenu.
- Pour qu'elle cède aussi facilement elle devait être...
- Rongée ? Désolé de parler ainsi mais c'est exactement ça. Je ne sais ce qui a pu provoquer autant de dégâts sur un corps mais je compte bien vous apporter une réponse à cette question.
De toute façon, je n'aurais pu vous faire l'empreinte.
- Pourquoi ? demanda Haley.
- Parce qu'on lui a arraché les dents et pas de façon très orthodoxe, la moitié d’entre elles sont juste cassées mais de toute façon trop pour que je puisse en faire quoi que ce soit.
- Alors comment faisons-nous pour connaître son identité ? demanda le Shérif.
- J'ai prélevé du sang enfin le peu que j’ai pu vu que son corps n’en contenait presque plus, je vais essayer d'en tirer quelque chose. Haley que faites-vous ?
Haley composa le numéro sur le clavier de son téléphone et attendit que la sonnerie retentisse. Une musique se fit entendre. Tout le monde cherchait d'où elle venait mais Patrick, le Shérif et Haley, l'avaient compris eux car ils restèrent à se regarder longuement jusqu'à ce que Haley fasse tomber son portable.
Chad fouilla la veste du corps et y découvrit le téléphone portable de Jack avec un appel en absence…celui qu’Haley venait de faire. Il n'y avait plus de doute, tous réalisèrent que c'était leur ami qui se trouvait là étalé à moitié mutilé, mort.
- Patrick, commencez de suite les analyses, je ne veux aucune excuse. Cette affaire devient une priorité, débrouillez vous comme vous voulez mais faites venir votre matériel. Je veux découvrir quel enfant de salaud a causé une telle horreur et pourquoi !!!
- Haley tu vas rentrer te reposer. Je vais te raccompagner.
- Non !!! Je retourne en ville.
- Bon d'accord mais tu ne vas pas travailler.
- Je vais aller au café.
- Très bien, je t'y dépose au passage. Faut mettre un avis d'information à l'entrée de la ville pour éviter toute panique surtout avec l'arrivée des touristes.
- Je vais m'en occuper. Je vais demander à Phil de le faire.
Elle tremblait tellement que chaque mot ou son de sa bouche avait du mal à sortir.
- Je viens d'avoir la société à qui j’ai commandé mon matériel. Je devrais le recevoir demain, le livreur est sur la route depuis déjà deux jours mais ce n'est pas le même que pour mes meubles.
- Très bien. En attendant, je vais vous faire parvenir le corps pour l'autopsie.
- Haley, je vais vous donner un tranquillisant. Il faut vous calmer, vous ne pouvez pas rester dans cet état. Voulez-vous que je prévienne Sarah ?
- Non, cria-t-elle. Vous voulez qu'elle me fasse un malaise ? Je ne veux pas prendre le risque de compromettre sa grossesse ?
- Ce n'était qu'une suggestion, je me disais que le soutien de votre amie ne serait pas du luxe.
- Non. Je vais aller voir Phil, pour qu'il m'aide pour les affiches. Je verrai Sarah plus tard.
- Comme vous voulez. En attendant prenez ça, ce n'est qu'un petit décontractant musculaire,
ca va vous faire du bien.
- Merci.
- Bon, on y va. Le corps part pour le cabinet médical. J'ai prévenu Phil, il t'attend il ne dira rien à Sarah pour le moment. Il attend d'être rentré ce soir.
C'est alors que Sarah arriva en criant le nom de son amie. Haley avait oublié que la mère de Phil devait emmener son amie se promener au bord du lac ce matin pour la détendre.
Sarah s'arrêta de courir quand elle se trouva à la hauteur de son amie ! Elle était suivie de près par la mère de Phil qui était à bout de souffle. Elle s'assit sur le banc qui se trouvait non loin des filles et attendit que sa respiration revienne à la normale. Elle n'avait aucun soucis de santé particulier mais elle avait 61 ans et devait faire attention à son corps, surtout quand celui-ci lui disait stop ; mais elle n'en voulait pas à sa belle-fille de l'avoir fait courir de la sorte, elle savait très bien que cette dernière était très inquiète pour son amie et avait besoin d'être à ses côté pour la réconforter.
En voyant son amie arrivé, Haley ressentit du soulagement mêlé de culpabilité. Elle aurait préféré la savoir ailleurs qu'ici, vu les circonstances mais son amie auprès d’elle était plus que réconfortant.
- Que fais-tu là ?
- On était censé se promener au bord du lac avec la mère de Phil je te rappelle.
- Oui je sais mais le lac est grand et il y a que tu arrives ici...
- On a aperçu au loin le camion de Chad, et les passants qui parlaient.
Tu sais comment je suis ? La curiosité et mon plus vilain défaut, alors j'ai demandé ce qu'il se passait et là on m'a dit pour...
- Tu peux le dire Sarah. Pour Jack...
- Sommes-nous sûr que c'est lui ?, dit-elle avec un mélange tristesse et de fatalité dans la voix, comme si elle se retenait de pleurer.
- Patrick voulait établir une identification par empreintes dentaires mais ce n'est pas possible la tête... la tête n'a pas tenu au corps et les dents sont quasi inexistantes quant aux empreintes digitales... Le corps portait la veste que Jack mettait les jours où il ne travaillait pas et quand j'ai téléphoné sur son portable, la sonnerie venait de l'intérieur du vêtement, dit-elle avec détachement
- La tête n'a pas tenue au corps ?, demanda Sarah abasourdie
- Tu aurais vu son corps, il était... décomposé, mutilé.
- Tu as vu le corps ? Mais tu es folle !!!
Haley fixa son amie avec un regard que Sarah ne reconnut pas.
- Je voulais être certaine que c'était lui. Dit-elle presque agressivement.
Sarah fut tellement étonnée par le son de la voix de son amie si bien qu'elle recula d'un pas.
- Ex... Excuse-moi. Je...
- Ce n'est rien Haley. Tu es en état de choc. On va rentrer à la maison, tu vas te reposer.
- Noooooooon ! Je ne veux pas me reposer. Je devais rejoindre Phil pour faire les affiches d'information, cela va m'occuper l'esprit un moment.
- Très bien mais je viens et on ne discute pas. Je resterai assise je ne bougerai pas si il le faut mais je ne te laisserai pas toute seule. Et aucune excuse n'est recevable. On y va.
Chad, j'emmène Haley en ville, on rejoint Phil à la boutique.
- Ca marche Sarah.
Sur ce, Sarah, Haley et la mère de Phil prirent le chemin en direction de la voiture qui était garée sur le parking à l'entrée du lac.
Patrick et Chad montèrent dans la camionnette du Shérif et prirent la direction de la ville. C'était le médecin qui conduisait, il se doutait bien que le Shérif n'aurait pas la force de faire le chemin entier, il était trop affecté par ce qu'il avait vu et surtout il était persuadé de connaître l'identité de la victime. Patrick lui était bouleversé mais pas assez car même si le corps était bien celui de Jack, il n'était pas assez proche pour ressentir autant de peine mais assez en tant qu'humain pour comprendre la douleur de ses concitoyens. Qui plus est, lorsque l'on est médecin on ne doit laisser paraître aucune émotion. Celle qui l'inquiétait le plus était Haley, elle était méconnaissable juste avant son départ, comme si on lui avait arraché chaque organe de son corps un par un. Elle devait vraiment tenir à lui, pensa-t-il.
- Vous êtes sûr que vous pouvez conduire ?, demanda Chad.
- Oui, j'étais seulement en train de penser à Haley et à son état. J'ai peur qu'elle nous fasse un genre de dépression.
- Elle est beaucoup plus forte qu'elle n'y paraît. Mais elle aura besoin de beaucoup de temps comme nous tous mais elle plus que les autres je pense.
- Ils étaient vraiment proches...
- Vous n'avez pas idée. Il était comme sa moitié en tant qu'ami et ex amant, un peu comme un frère. Leur relation était compliquée mais claire pour eux deux.
- Oui, j'ai cru comprendre. J'irais quand même la voir, pour être sûr qu'elle dort et mange.
- Quand pensez-vous commencer l'autopsie ?
- Dès que le corps sera arrivé.
Il faut que je trouve où le conserver en attendant les funérailles.
- Phil a une chambre froide à l'arrière de sa boutique, je pense qu'il ne verra pas d'inconvénient de la mettre à votre disposition.
- Ca risque d'être morbide. Il y garde certains de ses produits...
- Il en a deux et ne se sert que d'un et croyez-moi après cela il ne se servira jamais de la deuxième.
- Oui, j'en doute pas.
- Merci beaucoup de votre soutien. Faire venir un expert médico-légal aurait pris beaucoup de plus de temps.
- Ne me remerciez pas c'est tout à fait normal.
Ils arrivèrent en ville et tous les regards qui se posaient sur eux. Tous ces visages reflétaient les mêmes questions : qui avait bien pu commettre une telle horreur ? Mais surtout, était-ce bien le cadavre de Jack ?
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