samedi 7 janvier 2012

Chapitre 2 : Connaissances

Patrick Rice, ancien chirurgien cardiovasculaire dans un des hôpitaux les plus réputés du pays, avait décidé de reprendre une fonction de médecin généraliste pour diverses raisons, notamment, le besoin d’avoir plus de temps libre pour sa femme et lui.   
Il était grand, la peau mate, les yeux noisette et les cheveux bruns légèrement bouclés sur le dessus. Au point de vue vestimentaire, il ne s’habillait pas comme le médecin classique tel qui nous l’imaginons à cause de vieux clichés démodés ! Au contraire, son naturel détendu transparaissait dans sa façon de vêtir, ce qui lui donnait une allure rassurante mais parfois déstabilisante par rapport à sa personnalité d’homme de sciences un peu comme si le Ying et le Yang menait une lutte permanente en lui.
Il ouvrit les fenêtres de la pièce qui servirait de salle d’attente de même que celle son futur bureau. Il était évident que personne n’était venu faire ne fut-ce qu’un brin de ménage de temps en temps car il y régnait une désagréable odeur de renfermé. Il décida d’aller à l’épicerie afin d’acheter une bombe de désodorisant ou de l’encens, en fonction de ce qui serait disponible. Lui qui était habitué aux grandes surfaces, il ne savait pas à quoi s’attendre dans un magasin de banlieue mais la zone urbaine se trouvait à cent kilomètres au sud d’Angel Fist… Autant dire qu’il ferait comme ses nouveaux concitoyens, il se contenterait de l’essentiel et devrait dompter ses éventuelles envies impulsives comme une sortie cinéma ou l’achat de quelques extras.
N’ayant toujours pas récupéré le bureau qu’il utilisait à New-York, il déposa son ordinateur portable à même le sol. En attendant de recevoir son mobilier, il décida de remettre de l’ordre dans ses papiers afin de gagner du temps par la suite.
Ensuite, il étudia la configuration des locaux afin de décider de quelle façon il allait aménager son cabinet. Il espérait que ses meubles seraient livrés à la date convenue afin de pouvoir recevoir ses premiers patients dans deux jours. . C’était, en effet,  une nouvelle expérience pour lui vu qu’il n’avait jamais vécu que dans de grandes métropoles, mais il supposait qu’il devait partir du principe que l’ambiance devait être familiale vu que tout le monde se connaissait. Par conséquent, il était évident que les pièces n’étaient pas assez chaleureuses. Les fenêtres étant de taille réduite, il faisait un peu trop sombre. Il décida donc d’aller voir s’il pouvait trouver une ou deux plantes et quelques éléments de décoration pour égayer son environnement de travail. Il fit en sorte qu’il y ait de la place pour installer ses meubles dès qu’ils arriveraient et se décida à aller jusqu’à la boutique de Phil Wolf.
Il se présenta au propriétaire qui le reçut chaleureusement en lui précisant que le bouche à oreille typique des petites villes avait déjà bien fonctionné et qu’il savait déjà qui il était !
- Bonjour docteur Rice ! Comment se passe votre installation ?
- Bien, merci. Tout n’est pas encore parfait, il faut que je fasse encore quelques petits arrangements mais ce ne sont que des détails. Merci de votre sollicitude, monsieur Wolf.
- Appelez-moi Phil ! On est une grande famille ici, tout le monde se tutoie, lui précisa-t-il avec un entrain chaleureux.
- Eh bien… Phil, j’aurais besoin de désodorisant ou de l’encens, des plantes et quelques éléments de décoration.
Phil le fixa avec de grands yeux ronds comme s’il venait d’une autre planète.
- Y a-t-il un problème ?
- Euh, non. Non, c’est juste que d’habitude ce genre d’articles me sont demandés par la gente féminine !
- Je m’en doute, dit-il amusé, mais j’aurais besoin de tout ça pour rendre mon cabinet de consultations plus accueillant.
- Je vois, vous avez envie de créer un décor qui mette les patients à l’aise.
- Tout à fait ! Alors…
- Vous imaginez bien que le choix est limité mais j’ai tout ce que vous voulez. Si vous avez envie de quelque chose de particulier, je peux passer commande auprès d’un commerçant de Krisley, sinon, vous allez devoir vous déplacer jusque-là.
- C’est gentil à vous ! Je vais déjà voir ce que vous proposez, je pense que ça devrait convenir. Merci de votre disponibilité !

Il tourna le dos à Phil et partit explorer les rayons avec un petit rictus aux lèvres.

Profitant de sa pause de milieu de matinée, Sarah vint faire, comme à son habitude, un petit coucou à son mari.
Ils avaient beau vivre ensemble et ne travailler qu’à cent mètres l’un de l’autre, elle continuait à observer ce rituel.
L’Amour est un sentiment curieux et toujours imprévisible. Certaines idylles sont éphémères, d’autres résistent au temps et à toutes les épreuves.
Sarah et Phil étaient restés soudés même après la fausse couche dont elle avait été victime, un soir, lorsque Phil qui était rentré d’une soirée un peu trop arrosée, les avait fait tomber tous les deux dans l’escalier menant à la salle de bains. Pour le plus grand bonheur de tous, cette épreuve avait renforcé leurs liens.
- Coucou toi !
- Coucou vous !
- Alors, ces commandes ? Tu t’en sors ?
- Disons que je ne suis pas super débordé donc j’avance bien ! Je me dépêche avant que ces monstres de touristes ne débarquent et ne me dévalisent ! répondit-il en l’embrassant.
- Tu as raison, mon amour, passe vite tes commandes parce que tu risques de te retrouver rapidement en pénurie de nombreux articles ! dit-elle d’un ton moqueur.
- Ah, ah, ah, très drôle ! C’est sûr que moi, je vends des choses bien plus utiles que tes bouquins poussiéreux, plaisanta-t-il.
- Alors là, mes livres ne sont pas…

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il lui sautait déjà eu cou pour l’embrasser.
- Tu disais ?
- Figure-toi qu’un ange est venu poser ses lèvres sur les miennes et que j’ai perdu toute notion de la réalité !

Ce fut à ce moment que Patrick Rice arriva à la caisse, les bras chargés de divers objets.
- Quel plaisir de vous revoir, madame Wolf !
- A chaque fois que je vous vois, vous avez les bras encombrés ! C’est une habitude chez vous, le taquina-t-elle.
- Cette fois-ci, c’est du fragile, j’ai intérêt à être prudent. Je suis content, j’ai trouvé tout ce dont j’avais besoin pour aménager mon environnement de travail. J’avais peur de devoir déranger votre mari mais une commande supplémentaire ne sera pas utile.
- Ça ne l’aurait pas déranger ! Il aime son boulot !

C’était une des particularités du couple, il passait leur temps à se taquiner.
- Bon, je vous laisse entre hommes, dit-elle en gratifiant son époux d’un clin d’œil. Je retourne travailler avant qu’Haley ne fasse des bêtises ! Bon courage pour la déco, docteur.
- Merci ! Bon courage à vous aussi.

Elle fit demi-tour et traversa la rue pour rejoindre la librairie.
Phil scanna les articles sélectionnés par Patrick (un encens assez passe-partout, trois plantes artificielles, ce qui était très bien car il n’avait pas la main verte et risquait d’oublier de les arroser, quelques cadres et un miroir qu’il placerait dans les toilettes… « Voilà qui est un bon début » pensa le médecin).
- Dois-je vous ouvrir un compte docteur Rice ?
- Heu, très honnêtement, ça me semble tout à fait approprié car non seulement j’attends toujours mes indemnités de départ mais surtout, je compte revenir régulièrement, donc…
- Aucun problème ! Il faut juste le solder toutes les deux semaines. Sinon, vous recevrez une lettre de ma comptable en guise de rappel.
- Parfait, comptez sur moi ! Pouvez-vous me dire à combien s’élève mes dépenses du jour et me donner un reçu? Je suis très scrupuleux au niveau de mes comptes, j’aime toujours savoir où j’en suis…
- Bien sûr. Pour aujourd’hui, cela se monte à soixante-quinze dollars et dix-huit cents. Voici le reçu et vos achats. Si vous avez faim, il y a le Café de Stephenie, un peu plus bas. Vous ne pouvez pas le rater, c’est le seul dans le coin et il dispose d’un immense parking. Cela vous permettra de faire connaissance avec les autres habitants et en plus, les prix sont raisonnables, l’informa Phil.
- Eh bien, c’est gentil, vous êtes très serviable ! Je verrai à l’heure du déjeuner.
- Bonne continuation !
- A vous aussi, dit-il en se dirigeant vers la sortie.
Il prit la direction de son cabinet.
Phil quant à lui retourna à ses commandes. « Très gentil » se dit-il en allant reprendre son calepin pour continuer à inventorier son stock en vue de sa future commande. Il fallait qu’il soit convenablement achalandé lorsque les touristes allaient envahir la ville et la haute saison arrivait à grands pas.

Il était presque midi trente, lorsque l’estomac de Patrick se rappela à son bon souvenir en émettant un gargouillis significatif.
« Je devrais essayer le café de Stephenie comme me l’a conseillé l’épicier… au moins je pourrai me présenter et voir quelles sont les réactions… ». Sur cette pensée, il vérifia que le miroir était bien accroché, se lava les mains, mit sa veste et prit la direction du café.



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